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Le " parler vrai "
vendredi 23 avril 2010
par focg44

Force est de constater que dire la vérité n’est pas toujours « porteur ». Pourquoi n’arrive-t-on pas ou plus à parler vrai ? Plusieurs éléments explicatifs de réponses entrent en jeu dans notre vie personnelle comme dans notre vie professionnelle.

D’une part, l’inconscient collectif nous meut, exerçant une influence sur nos comportements. Dans les faits, la parole directe, experte, ne bénéficie pas toujours d’une reconnaissance, d’une crédibilité, ni même d’une autorité particulières. Il existe comme une remise en question du discours expert. La pensée libre est souvent perçue comme dangereuse. Ceux qui se hasardent à être sincères, en privilégiant la vérité, seraient presque considérés comme anticonformistes, voire séditieux.

D’autre part, un parler clair et vrai est considéré comme beaucoup comme une manière de s’exposer. Pourquoi ? Parce que notre expression orale véhicule des idées et des émotions qui, par les mots prononcés, révèle des éléments plus ou moins intimes et inconscients de notre personnalité. Il y a bien plus que des idées et des mots dans ce que nous exprimons. Selon le destinataire de nos propos, du lien que nous avons établi avec lui, en fonction de ce que nous en espérons, du contexte en vigueur, nos paroles révèlent toujours quelque chose de ce que nous sommes c’est-à-dire de notre moi authentique, de notre générosité, de notre sincérité relationnelle, de notre sens des autres etc. Donc, nos paroles nous exposent plus qu’on ne le pense et nous le savons.

Dans notre vie professionnelle, les conditions font qu’il est souvent beaucoup plus confortable d’être frileux et de pratiquer l’embellie relationnelle qui consiste à se protéger en « habillant les faits » par de gracieux enjoliveurs, dans une sorte d’angélisme de bon ton. Faire remonter des problèmes à ceux qui ne veulent pas les entendre est périlleux ; beaucoup l’ont vite compris à leurs dépends. Les documents explicites et compromettants sont remisés, ou mis sous le couvercle, ou, très curieusement, on les oublie. Donc, à l’épreuve des faits, on a pu constater que, comme le dit la chanson « celui qui dit la vérité, il doit être assassiné ! ». En disant la vérité, par exemple, à propos d’une organisation professionnelle, surtout si celle-ci est demeure fragile, le risque est de se voir fermer des portes, d’être le mouton noir, mis au ban, bridé dans sa trajectoire, voire pire encore, et cela n’est pas rare, victime d’ostracisme. Celui qui se refuse à la langue de bois s’expose dans sa carrière et dérange. Il gêne. La pensée libre est jugée dangereuse, le devoir de réserve souvent mal compris.

Au royaume des courtisans, Jean de la Fontaine le disait bien : « tout flatteur vit aux dépends de celui qui l’écoute ». L’histoire n’est pas cumulative. Les humains d’aujourd’hui ne sont hélas que les héritiers des humains des temps passés.

Tout ceci fait que « parler juste et vrai » semble difficile, voire inaccessible, et qu’il est souvent plus confortable de travestir la vérité, de « mentir habilement », ne serait-ce que pour survivre.

Quelles sont les conséquences du non « parler vrai » ?

Sur un plan personnel, en ne nommant pas les choses par le langage de vérité, on ne prévient pas des problèmes bien plus graves. On ne traite pas les problèmes, qu’ils soient personnels ou professionnels, en les recouvrant de sable. La dissimulation des problèmes ne permet pas de les résoudre. La vérité parvient toujours à faire sa place et elle finit par s’inviter à notre table comme une convive inopportune que l’on doit, au final, accepter avec bonne ou mauvaise grâce, mais, en plus, en lui donnant la meilleure place : celle qui se trouve sous les projecteurs.

La vérité survient toujours, même inconsciemment. Et alors, elle devient étouffante de sa propre évidence.

Sur un plan professionnel, les pratiques sont souvent très éloignées du « parler vrai. » Même si dans les discours, l’opacité et la langue de bois sont sources de défiance, dans les faits, il n’en va pas de même. Divers parasitages conscients ou inconscients viennent l’entraver. Par ailleurs, l’information, ascendante ou descendante, se transforme. Les nominations aux choix font réfléchir à deux fois sur la façon dont sera reçu et encouragé le « parler vrai », surtout si celui-ci concerne les organisations. Si l’évolution de sa carrière dépend de celui qui vous note, il devient prudent de mettre à distance son désir de vérité et ce, d’autant qu’on aura vérifié en amont à quel point il peut être dangereux de « claironner » haut et fort toutes les insuffisances des organisations.

Car on l’aura compris, il semblerait que les problèmes soient surtout mis au compte des personnes et rarement à celui des organisations ! De plus, à chaque échelon de la hiérarchie, chacun a besoin d’être conforté dans son rôle, voire réconforté à travers l’avis de celui qui évalue ce que vous valez et qui est lui-même évalué.

Or, le danger réside dans l’absence de mise au jour des véritables questions d’organisation, permettant d’aller au fond des choses et surtout de les résoudre.

Pourquoi faut-il avoir un langage de vérité ?

Sur un plan personnel, c’est un effort d’intelligibilité des situations, un hommage à la conscience, qui nous hausse vers des principes d’universalité. C’est donc une exigence de soi-même contre les idées fausses, les préjugés, les présupposés. Mais aussi, par un curieux effet de boomerang, il s’avère que les faits sont têtus : ils finissent toujours par s’imposer et nous revenir en pleine figure.

Alors, plutôt que de les fuir, regardons-les comme des amis et non comme des ennemis. Il y a urgence à parler vrai et à dire qui l’on est et en quoi on croit, tout simplement. En ayant conscience que la subjectivité est toujours omniprésente, en s’efforçant de dissocier l’utile de l’accessoire, c’est un exercice passionnant que d’avoir une pensée libre. En effet, le parler vrai n’exclut pas de mettre les évènements à distance pour objectiver la réalité, mais il faut avoir un langage de vérité pour extérioriser des vérités qui pèsent, qui blessent, et qui, faute d’avoir été exprimées en mots clairs et en temps utile, pourraient, sur la distance, causer plus de dégâts. Les non-dits se transforment parfois en douleur. La douleur non exprimée demeure et, avec le temps, s’enkyste plus profondément encore comme le mulot entré dans la ruche est enkysté de cire par les abeilles : il demeure dans la ruche malgré tout et il prend de la place, parfois trop de place.

Dans le métier de vivre, s’il y a risque à dire la vérité, il y a encore plus de risque à ne pas vouloir la voir, car on ne peut alors s’atteler à la tâche de se dépasser.

Sur le plan des organisations de travail, faire un travail de vérité est un devoir et un défi, car c’est la meilleure et la seule vraie solution pour qu’une entreprise et les hommes qui la composent progressent. Les enjeux les plus importants du parler vrai au sein de l’entreprise sont d’instaurer, ou de réinstaurer, par le parler vrai, le respect et l’estime entre les diverses strates de la hiérarchie, sans qu’il y ait de procès d’intention de part et d’autre. C’est un exercice d’humilité et d’humanité de la part des dirigeants mais c’est aussi un exercice de reconnaissance réciproque. En effet, la satisfaction naît du confort ressenti dans la relation, laquelle dépend du degré de cohérence, de l’authenticité de la relation.

Lorsque l’entreprise a des choix difficiles à faire, il est urgent de laisser entrer la lumière pour orienter les projecteurs sur les zones d’ombre et les divers problèmes à résoudre, puis de congédier l’inutile, à savoir les faux semblants, le mensonge, les non dits ; ils n’apporteront que l’enlisement de la situation.

Si chacun se sent écouté dans ce qu’il nomme son « parler vrai », si personne ne se sent déconsidéré de dire ce qu’il en est, alors l’homme se sentira un rouage important et reconnu, participant utilement au fonctionnement de son entreprise et prendra ainsi une part plus active dans l’atteinte des objectifs et des résultats.

Ainsi, les différents rouages de l’entreprise ne seront plus « grippés » par le non-dit. L’huile qui assouplira les divers points d’articulations et de tensions sera plus fluide et le respect de « chacun à sa place » aura droit de cité.

A quelles conditions peut-on instaurer un langage de vérité dans l’entreprise ?

La première des conditions est celle de l’intention, c’est-à-dire d’en être convaincu et de vouloir mettre au jour des situations complexes par un état des lieux aussi honnête que possible, au risque de se trouver dans un marché de dupes.

L’exigence du parler vrai suppose deux autres conditions fondamentales. La première est celle de ne pas avoir peur d’aller s’aventurer, le plus honnêtement possible, dans le dédale des questions complexes ; la deuxième est de vouloir développer des relations ouvertes et de confiance pour accompagner l’évolution des organisations. L’exemple doit être donné par le haut de la hiérarchie. Comme on le sait, c’est elle qui « donne le ton », comme tous les chefs d’orchestre. C’est de l’ordre de sa responsabilité que de vouloir mettre en ordre de marche une organisation qui tienne la route.

Il faut donc crédibiliser cette démarche de parler vrai en agissant vrai, s’astreindre à dire ce qu’on va faire et faire ce qu’on a dit. L’écoute des autres est primordiale à travers l’acceptation des divers points de vue, y compris divergents, et l’acceptation de la franchise. Il vaut mieux privilégier la recherche des erreurs que celles de coupables. L’homme devrait être jugé autant sur ses compétences que sur son comportement. C’est ce comportement qui doit être privilégié lors du recrutement, des notations, des avancements et promotions. Le courage fait partie du comportement. Or le « parler vrai » demande du courage, comme nous avons tenté de le montrer précédemment. Tout en ayant réfléchi à la façon de dire les choses, il faut, sans concession, refuser les enjoliveurs.

A condition de respecter une forme appropriée, tout doit pouvoir être dit sans crainte de pénalisation ou de stigmatisation. Parler simple, clair et net, désigner les choses par leur nom, est l’une des clefs essentielles de la réussite de l’entreprise. Et l’entreprise doit accepter ce mode de fonctionnement au service du fonctionnement. C’est aussi une manière de s’assurer que l’on fait de bons choix collectifs, partagés et mobilisateurs. C’est encore un bon moyen de « raccrocher » ceux qui ont « décroché » du fait d’une parole qui n’a pu être entendue.

En résumé, une entreprise moderne, qu’elle soit privée ou publique, ne peut réellement s’en sortir que par le parler vrai, en mettant en évidence des règles du jeu claires, en présentant sans fard les alternatives avec leurs avantages et leurs inconvénients, en n’hésitant pas à faire état des doutes, ce qui éviterait bien des malentendus.

En résumé, il y a un combat noble dans l’invitation à l’authenticité. C’est le combat du syndicat FO à travers le parler vrai.

Eléonore Paul