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Mais où est donc passé l’humain ?
mardi 14 octobre 2008
par focg44

Nous ne pouvons pas rester indifférents à l’évolution relativement récente des collectivités territoriales, suite aux différentes étapes de la décentralisation des compétences de l’Etat. Ces collectivités ont grandi très vite et sont devenues, de ce fait, plus attractives pour les jeunes administrateurs, polyvalents et généralistes, fraîchement sortis de leur école d’administration, qui remplacent ainsi progressivement les agents de terrain « sortis du rang » qui connaissaient le métier « sur le bout des doigts ».

Par ailleurs, malgré d’âpres négociations, le transfert des financements de l’Etat vers les collectivités s’est révélé, dans la plupart des cas, insuffisant pour assurer les missions décentralisées dans les meilleures conditions de service au public.

Il est intéressant de constater que la conjonction de ces éléments a conduit les plus grandes collectivités (Régions, Départements, Communautés de Communes…) à une mutation culturelle profonde qui les a transformées, à leur corps défendant, d’administration « de mission » en administration « de gestion ».

A l’externe, la logique de rentabilité étant peu compatible avec la notion de service public, nous avons assisté à certaines dérives paradoxales dont voici quelques exemples :

  • La priorité à la décentralisation aux Régions pour l’Etat (conformément à la volonté européenne) recentralise le service public au niveau régional alors que traditionnellement, l’Etat avait déconcentré ses services au niveau départemental. Cet état de fait a engendré une perte de proximité auprès des habitants.
  • L’alourdissement des procédures administratives dont le but était de garantir une meilleure égalité de traitement pour tous, fragilise finalement les publics les plus isolés, les moins autonomes et les plus vulnérables.

A l’interne, la logique de rentabilité étant peu compatible avec la gestion humaine des ressources, les agents en subissent également quelques dérives :

  • Le juridique et le financier venaient autrefois a posteriori en appui aux missions de service public. Le schéma s’est inversé car ces missions sont aujourd’hui souvent limitées et contraintes a priori par la rigidité, souvent peu négociable, de règles juridiques et financières de plus en plus complexes et peu lisibles (merci, sur ce point, à la riche contribution de l’Europe technocratique).
  • En conséquence de cette bureaucratisation des missions, les agents des collectivités ne cessent d’être débordés par les tâches administratives…

Tout le monde déplore qu’il n’y ait plus de place pour la réflexion et les échanges, pour l’appropriation des nouvelles données qui ne cessent d’affluer, mais surtout pour la recherche et l’innovation (où sont donc passés aujourd’hui les bureaux d’études, que sont devenus les « créatifs » et les agitateurs d’idées dans nos institutions ?). Il semble qu’il n’y ait plus de temps pour ce qui rend le travail intéressant, plus de temps pour que la dimension humaine, créative, puisse s’exprimer.

Alors qu’avec la pénurie croissante de leurs ressources humaines actives, les entreprises marchandes commencent à intégrer l’humain dans leur patrimoine, afin de pourvoir faire face à la concurrence (à quand la ressource humaine cotée en bourse ?), alors que le monde économique reconnaît que sans recherche et développement une entreprise est condamnée à plus ou moins court terme, nos collectivités, rassurées sans doute par l’assurance d’une dotation annuelle sans réelle concurrence, s’embourbent dans l’activité stérile qui consiste à générer des procédures, des processus, des dispositifs et des systèmes de plus en plus complexes et dont elles commencent même à perdre la maîtrise.

Ceux qui souffrent le plus ne sont les plus hautes sphères technocratiques qui élaborent souvent « en laboratoire » des systèmes qui satisfont l’intellect, mais qui sont la plupart du temps inutilement compliqués. Ceux qui souffrent sont les agents de terrain qui s’épuisent et se démotivent dans des structures où ils ne retrouvent plus leur place, dans laquelle ils ont le sentiment de perdre leur identité et desquelles, finalement, ils se sentent « désaffiliés ».

Nous assistons à un véritable choc de cultures qui ne se comprennent pas : celle de la technocratie administrative contre celle des professionnels de terrain. Nous pouvons insister sur le « contre », car il s’agit bien d’un « combat » souterrain, fort de non-dits (ou de mal-dits), avec son cortège de souffrances humaines dont sont victimes les plus vulnérables. Pour sortir de ce marasme qui engendre lassitude, déceptions et ressentiments, il faudrait organiser, provoquer, une rencontre entre ces deux cultures (au-delà des personnes) qui devront impérativement apprendre à cohabiter pour survivre, ou mieux, pour vivre au sens plénier du terme.

Pour cela, il faudrait changer les méthodes et l’état d’esprit, accepter (c’est-à-dire se donner du temps pour) l’ouverture, l’écoute, l’échange (dans les deux sens), rester humble et conscients, quel que soit le niveau de responsabilité, de notre interdépendance avec les autres ; bref, instaurer les conditions d’une véritable collaboration non « hiérarchique » entre le central et le terrain.

Le défi du management de demain consiste sans doute à transformer l’actuel « dialogue de sourds » en un dialogue tout court. Alors, quel type de managers pour demain ? Des juristes, des financiers, des philosophes ? Et quelle formation pour les managers de demain ? L’économie ou la psychologie ? Un principe devrait nous guider peut-être dans la gestion des ressources humaines : la promotion des sciences humaines pour un meilleur service à l’humain.

En une phrase dans nos collectivités il est grand temps de passer :

« De la gestion des ressources humaines »

à « la gestion humaine des ressources ».

Michel Philippe